Il y a ...


Il y a les journées qui commencent tôt, et le lent et rassurant cortège des gestes soigneux, toujours les mêmes, toujours aux mêmes heures.


Il y a la cuisine, dont tout un mur est occupé par une vaste cheminée dans laquelle on pourrait se tenir debout, si elle n’était encombrée en son centre par un gros poêle en fonte (parce que le feu, voyez-vous, ça salit). Les carreaux de faïence bleue, le calendrier des postes, et le bahut de la grand-mère, avec son bois sculpté et son tablier de marbre.

Il y a là un vieux chat trouvé qui dort toute la journée, indifférent, sur une chaise, sa chaise, couverte de vieux chiffons proprement repliés, et une meute de chiens de toutes tailles qui convergent, alléchés par la bonne bouffe qui leur est ici réservée. Pourtant, « ils ont des maîtres, mais ils ne les caressent jamais, les pauvres bêtes, si c’est pas malheureux … ! ».
Et cependant, malgré les papattes boueuses qui vont et viennent, on pourrait manger par terre …


Il y a le salon, dans lequel on ne va que pour regarder la télé (le soir seulement, sauf pendant le Tour de France, pour les paysages) ; personne ne saurait dire la couleur du canapé puisqu’on ne le voit que protégé par une couverture, savamment repositionnée après chaque séance d’abandon télévisuel. Sur le napperon de crochet écru étalé bien au centre de la table basse, un bouquet artificiel darde faussement ses couleurs joyeuses.
Aux murs, quelques photos d’enfants, le bouquet d’anémones en provenance d’une ancienne boîte de chocolats, et une immuable peinture de cerf aux aguets, figé à l’orée d’un bois aux teintes automnales traversé par une rivière, alors qu’ à l’arrière-plan, fume la cheminée d’une maison au toit de chaume.
Non, pas de canevas …
Pendant ce temps-là, l’imposante comtoise rythme les minutes de son lourd balancier.


Il y a l’ennui et la monotonie, et le défilé tranquille et rassurant de la vie qui s’écoule. Sans heurts, sans surprise. Quand hier ressemble à aujourd’hui, quand le moindre évènement occupe durablement les pensées, quand la moindre anicroche se transforme en souci, la rupture est totale, plus de passerelles possibles. Mais ça ressemble à du bonheur.

Quand vous arrivez du dehors, n’amenez pas dans vos bagages l’hostilité du monde, ne laissez pas vos peurs et vos angoisses envahir cet espace. Naufragé, vous êtes sur une île, laissez-vous débarquer un instant, goûtez à ce mystère …

Mais c’est peut-être, cependant, le seul endroit que je connaisse dans lequel je suis aussi heureuse d’arriver que de repartir ……………

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